C’est un des marronniers de la langue bretonne. Régulièrement, des entreprises ou des services publics refusent des chèques édités en langue bretonne.
Cette fois-ci, c’est le tour d’Enedis qui refuse d’encaisser un chèque écrit en langue bretonne, et par la même occasion Enedis refuse de raccorder son client au réseau électrique.
Enedis refuse un chèque en breton
Alors qu’il avait reçu une proposition de raccordement électrique d’Enedis le 16 décembre 2021 pour sa nouvelle maison, un Breton habitant Lanildut a accepté l’offre d’Enedis, et a retourné dès le lendemain la proposition accompagnée d’un chèque de 665,64 € rédigé en breton.
Il a eu la mauvaise surprise de recevoir le 13 janvier 2022, un mois plus tard, une lettre dont l’objet est « Retour Chèque bancaire » où Enedis lui indique que « ce chèque ne peut pas être encaissé car il présente une anomalie sur le montant en lettres ».
Enedis n’explicite pas davantage la nature de l’anomalie dans ce courrier. Le chéquier étant en breton, le montant du chèque est donc écrit en toutes lettres en breton. Cela constitue en conséquence une anomalie selon le Département Trésorerie de la Direction Finances d’Enedis, émettrice du courrier. Enedis bloque donc tout le dossier de raccordement de sa maison au réseau électrique sous prétexte que son chèque d’acompte est libellé en breton.
Le client a répondu à Enedis, mais l’entreprise persiste à refuser le chèque en breton.
La cause du refus d’encaissement paraît évidente : la langue bretonne dérange Enedis. Ce refus et le retour par courrier constituent une discrimination envers moi. Une telle attitude de la part de votre société me révolte car elle constitue un manque de considération total pour ses clients (dont je suis), pour ma langue et ma culture, ainsi qu’une discrimination flagrante vis-à-vis des locuteurs de langues dites régionales. Cela va à l’encontre de nombreux textes internationaux, telle la Convention Européenne des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales.
Extrait de la réponse du client à Enedis
Dans un mail daté du 14 janvier, Enedis confirme que le problème vient de la langue bretonne « Le libellé du montant du chèque n’est pas en français ! ».
Les chèques en breton sont-ils légaux ?
La loi est française est claire, un chèque doit être rédigé dans la langue du chéquier. Si votre chéquier est en breton, vous pouvez (et même vous devez) le rédiger en breton, si le chéquier est en allemand, vous devrez rédiger le chèque en allemand. C’est aussi simple que cela, et pas d’inquiétude pour les commerçants qui ne parlent évidemment pas toutes les langues du monde, en cas de différence entre le montant inscrit en lettre et celui inscrit en chiffres, c’est celui inscrit en chiffre qui prime.
Et pour les commerçants qui voudraient apprendre le breton : Quelle méthode pour apprendre le breton ?
Il est donc parfaitement légal de rédiger un chèque en breton, de plus vous vous doutez bien que si ce n’était pas le cas, les banques ne s’embêteraient pas à éditer des chéquiers en breton. Depuis bientôt 100 ans, la Convention internationale de Genève autorise toute personne à rédiger son chèque dans la langue de son choix, dès lors qu’il s’agit de la même langue que celle utilisée pour la rédaction du titre, comme l’a confirmée à plusieurs reprises la Justice lorsque des affaires ont été portées devant les tribunaux.
Voir à ce sujet l’article de Culture Bretagne sur Comment écrire un chèque en breton.
Le collectif Ai’ta se saisit de l’affaire
Le collectif Ai’ta! œuvre depuis 2005 à la reconnaissance des droits linguistiques des Bretons. Les membres du collectif ont choisi de dénoncer l’attitude discriminatoire d’Enedis Bretagne envers les locuteurs brittophones.
Le collectif Ai’ta! a déjà soutenu plusieurs citoyens dans ce type de démarche et à chaque fois les entreprises ont reconnu leur erreur. Le collectif déclare ne pas comprendre l’obstination d’Enedis à refuser ce qui est un droit, malgré les courriers et courriels très argumentés envoyés par ce client.
Cette situation démontre une fois de plus que tant que la langue bretonne n’aura pas de statut officiel en Bretagne, les droits de locuteurs seront ignorés, voire bafoués.
Le Collectif Ai’ta
Le collectif pour la défense de la langue bretonne Ai’ta demande à Enedis d’accepter ce chèque ainsi que tous ceux libellés en breton et exige que l’entreprise Enedis présente des excuses instamment à son client et à toutes celles et ceux qui ont été atteints par de tels refus.
Enedis présente ses excuses (mis à jour du 18 janvier)
Suite à la publication de l’article et à la mobilisation sur les réseaux sociaux, Enedis a présenté ses excuses et assuré que le chèque en breton sera accepté.
Bonjour, chez @Enedis, nous sommes fiers de soutenir la région Bretagne et les valeurs qu’elle porte ! 👍
Nous avons présenté nos excuses au client dont le chèque sera bien entendu accepté.— Enedis en Bretagne (@enedis_bretagne) January 18, 2022