Quel avenir pour le breton et les langues celtiques ? (Stefan Moal)

Stefan Moal est maître de conférence à l’Université Rennes 2 et est un spécialiste des langues celtiques. Interviewé par Brezhoweb dans l’émisison Pennad Kaoz, ce long entretien d’1h en breton a été sous-titré et retranscrit en français pour le rendre disponible au plus grand nombre. Stefan Moal y revient sur la situation des différentes langues celtiques en Irlande, Pays de Galles, Ecosse et Bretagne. Il nous y parle de statut officiel, de stratégies, de budget, du nombre de locuteur et de l’avenir des langues celtiques.

Le breton et les autres langues celtiques vont-elles survivre dans un monde où le numérique et l’intelligence artificielle boulverse petit à petit tous les usages ? C’est une des questions à retrouver dans cet entretien dont vous pourrez trouver la vidéo après la transcription en français ci-dessous.

L’interview complète de Stefan Moal sur l’état des langues Celtiques

Présentation de Stefan Moal

Lionel Buannic : Stefan Moal, maître de conférence à l’Université Rennes 2, un observateur de l’état de la langue bretonne ses avancées et ses reculs depuis 30 ans vous les avez étudiés avec attention. Vous avez aussi la citoyenneté irlandaise, vous êtes donc Breton et Irlandais puisque vous avez un passeport irlandais où vous vous rendez régulièrement comme dans tous les autres pays celtes, finalement, pour observer l’état de leurs cultures, leurs peuples et surtout leurs langues. Il est vrai que dans les années 70, 80, les Bretons souhaitaient suivre l’exemple de ces pays. Le gaëlique a un statut officiel en Irlande, la langue galloise bénéficie d’un soutien conséquent, l’Écosse consacre un budget colossal à la petite communauté gaëlisante. Et nous avons l’impression, en Bretagne, de n’avoir rien obtenu et d’être à la traîne de tous ces peuples et… je vous propose donc de partager votre regard sur ces pays, ces cultures, ces langues, l’avenir de ces langues et peut-être celui de la langue bretonne… Partons tout d’abord pour l’Irlande. Une république, un statut de langue officielle, du budget, l’obligation d’apprendre le gaëlique à l’école… Que s’est-il passé après les années 80 ?

Les erreurs de l’Irlande avec le gaëlique

Stefan Moal : Hum… Comment ? Il y a maintenant des moyens financiers en Irlande, ce qui n’a pas toujours été le cas. Il ne faut pas l’oublier ! Lorsque je vivais en Irlande au début des années 80, c’était un pays pauvre ! Avec beaucoup de chômage et de misère, Malgré cela, à cette époque, le gouvernement consacrait déjà beaucoup de budget au gaëlique comme il l’a toujours fait. Ce n’est pas l’argent qui a manqué. C’est plutôt… je cherche ce qui a manqué… L’un de mes amis me dit toujours, Tadhg Ó hIfearnáin, professeur de gaëlique à Galway, que l’Irlande fait partie des États peut-être même le seul au monde qui ont dû faire revivre leur langue. Aucun gouvernement n’a jamais eu à mener ce genre de tâche. Ils ont donc fait des erreurs, beaucoup d’erreurs… Une obligation d’apprentissage exagérée la sacralisation de la langue qui a peut-être rendu les gens intimidés en quelque sorte… Depuis, mettons, le début des années 90 le regard posé sur la langue en Irlande a évolué, c’est-à-dire qu’il n’est plus pensable de rendre ce pays entièrement gaëlisant ou même totalement bilingue. Aujourd’hui, la minorité gaëlisante est simplement considérée comme n’importe quelle autre minorité.

Lionel Buannic : Cela démontre clairement selon vous, qu’un statut officiel n’est pas suffisant pour une langue ? Pour qu’une langue vive, elle doit être parlée au quotidien.

Stefan Moal : Bien sûr que ce n’est pas suffisant. Nous le savons bien, mais… quand je vais en Corse, je vois bien qu’ils se battent pour cela : obtenir un statut de co-officialité et c’est très bien, évidemment mais ne nous leurrons pas : cela ne peut pas tout changer. L’Irlande démontre que ce n’est pas vrai. Seuls 2% des Corses transmettent la langue à leurs enfants un peu comme nous, en Bretagne, le salut ne viendra pas d’un statut officiel ! Il en est de même en Irlande. Ils ont compris, et ils ont même accepté, si vous voulez, qu’il n’était plus possible que leur pays soit totalement gaëlisant. Et ce qu’ils font maintenant est d’aider au mieux les militants de l’irlandais ceux qui souhaitent faire de cette langue l’une de leurs langues du quotidien.

Lionel Buannic : Ce qu’il y avait également jusqu’aux années 80, 90 en Irlande, c’était le Gaeltacht : à l’ouest du pays, autour de Galway, et au sud, autour de Cork ainsi que dans les îles, bien sûr, l’irlandais était vivant et pratiqué au quotidien… Cela est-il toujours le cas aujourd’hui ou le Gaeltacht a-t-il disparu ?

Stefan Moal : Tu as aussi oublié le Donegal qui était très important ! Comment… Le Gaeltacht existe toujours mais année après année, les enquêtes et rapports du gouvernement montrent clairement une diminution du nombre de locuteurs au quotidien dans le Gaeltacht. Et ce n’est pas dû à l’arrivée de nouvelles populations. Les habitants du Gaeltacht eux-mêmes parlent de plus en plus anglais entre eux, avec leurs enfants et de manière générale. Le Gaeltacht existe toujours car c’est une forme de symbole pour n’importe quel Irlandais de se rendre au Gaeltacht l’été et envoyer ses enfants au Gaeltacht en été a toujours été quelque chose de nécessaire pour améliorer son irlandais et cela manquerait à n’importe quel Irlandais de la République si on lui disait que le Gaeltacht a disparu et que l’état de la langue est le même partout dans la République. Cela manquerait à tous. C’est tout de même un symbole. Mais… La langue s’affaiblit, ou plutôt chute de manière continue… dans le Gaeltacht également. Aujourd’hui, le gouvernement s’appuie plutôt sur les Irlandais où qu’ils se trouvent et notamment dans les grandes villes.

Lionel Buannic : Donc sur des locuteurs éparpillés sur toute l’île ? Cela signifie que la langue est partout et nulle part à la fois ?

Stefan Moal : Oui, la langue est partout et nulle part également. Elle se trouve de plus en plus chez les jeunes des grandes villes comme en Bretagne où en Écosse dont nous parlerons tout à l’heure… L’irlandais est devenu une langue-réseau, ce qui n’est pas… Bien sûr que c’est triste si l’on compare aux aspirations premières.

Les langues celtiques, des langues-réseaux selon Stefan Moal

Lionel Buannic : Excuse-moi, mais que veux-tu dire par « langue-réseau » ?

Stefan Moal : Pour moi, une langue de réseau est parlée au sein des réseaux actuels, sur Internet et ailleurs mais aussi avec des personnes que tu identifies bien dans le pays, que tu fréquentes de près ou de loin et tu sais avec qui tu pourrais parler irlandais. Il est donc indispensable pour parler cette langue, comme toute langue minoritaire des pays celtiques, de reconnaître les locuteurs d’une manière ou d’une autre. En Irlande, il n’est pas possible de sortir et de parler irlandais à n’importe qui ! Dans le Gaeltacht, il est certainement possible de le faire, mais ailleurs la majorité des gens ne seront malheureusement pas capable de comprendre que tu leur parle en irlandais. Voilà… Une langue-réseau est une langue dont tu connais les locuteurs.

Lionel Buannic : Ce qui veut dire une langue fermée sur elle-même ?

Stefan Moal : Ce n’est pas cela… Ces réseaux sont pleins de gens qui créent, qui ont beaucoup de créativité qu’ils soient poètes ou poétesses ou écrivains, artistes du cinéma, chanteurs, musiciens, etc. Il y a beaucoup de créativité dans ces réseaux ! Ils ont aussi leurs médias, leurs radios, comment… la télévision, Internet bien sûr, donc ce n’est pas si fermé à mon avis, car on peut facilement passer d’un réseau à une autre s’il te vient l’envie d’apprendre la langue et de la pratiquer, tu seras bien reçu ! Il y a des étrangers qui ont appris cette langue ! J’avais écris un article, il y a quelques années, dans la revue « Al liamm » qui évoquait ce phénomène, « The new Irish » : ceux qui ont appris la langue s’intégraient encore mieux dans la société.

Les Irlandais et leur langue

Lionel Buannic : Et quel est le niveau de langue des locuteurs actuels ?

Stefan Moal : C’est la principale difficulté de toute langue minorisée… Elle est à côté d’une langue majeure et pas n’importe laquelle : l’anglais ! D’après ce que je lis et que j’entends dans les colloques l’irlandais s’anglicise à de nombreux égards. La phonologie s’anglicise, bien sûr. L’anglicisation touche même la syntaxe, énormément ! Oui, comment faire avec les prépositions anglaises, comment construire des phrases de cette façon ? Je n’irais pas jusqu’à parler de créolisation car… le créole a sa propre définition et ce n’est pas le cas de l’irlandais tel qu’il est parlé aujourd’hui. Mais c’est assurément une langue sous l’influence de l’anglais.

Lionel Buannic : L’esprit de la langue s’est donc perdu ?

Stefan Moal : Ce n’est pas évident de dire cela car toutes les langues connaissent des évolutions au cours de leur histoire, donc… C’est aussi le cas de l’anglais… L’anglais est censément une langue germanique, mais quand on la compare à des langues scandinaves ou à l’allemand, elle n’est plus si germanique que cela. C’est une sorte de vieux créole devenu langue indépendante ! Je ne dirais donc pas que l’esprit de la langue est totalement perdu. Il reste tout de même beaucoup d’éléments idiomatiques et de nouveaux mots sont inventés par les autorités et par les locuteurs eux-mêmes.

Lionel Buannic : Finalement, qu’a-t-il manqué aux autorités irlandaises ou aux Irlandais eux-mêmes ? Perdre leur langue, malgré un statut et un appui publics alors qu’Israël, par exemple, a réussi la réappropriation de l’hébreu en en faisant une langue officielle. Qu’a-t-il manqué à l’Irlande ?

Stefan Moal : Premièrement, quand l’Irlande est devenue indépendante, le nombre de locuteurs était déjà très faible. Je ne me rappelle plus du chiffre… mais 10 à 15% seulement de la population parlait irlandais à cette époque. Et cette population se trouvait majoritairement au nord-ouest, la partie la plus pauvre de l’île, plutôt des ruraux et pas vraiment de grands fermiers mais des petits paysans. L’émigration se poursuivait, vers les États-Unis, l’Angleterre, les grandes villes d’Irlande. La langue ne revêtait pas une grande importance dans la tête des gens contrairement au catalan, par exemple, défendu et promu par la bourgeoisie barcelonnaise. L’irlandais avait tout même une bonne image car les gens savaient que cette langue avait été pratiquée par les nobles, une langue de grande culture mais il y a bien longtemps. Les choses avaient donc mal commencé. Ce n’était pas facile. Ensuite, le gouvernement se devait d’inventer des outils. L’école, les médias… le statut de la langue et tout le reste comme l’attribution de bourses aux parents qui parlaient irlandais à leurs enfants à la maison alors que les voisins ne touchaient rien car ils ne le parlaient pas… À mon avis, les objectifs étaient ambitieux, trop ambitieux. Si les objectifs avaient été moindres, ils auraient été atteints, je pense. Mais cela restait très important aux yeux des Irlandais car tout le reste disparaissait. La foi catholique est aujourd’hui en Irlande dans le même état qu’en Bretagne. Beaucoup de choses ont disparu… En quoi les Irlandais sont-ils différents de leurs voisins ? Leur accent quand ils parlent anglais, d’accord. Mais ce n’est pas suffisant ! Beaucoup de personnes sont donc profondément attachées à la langue pas pour eux-mêmes, pas pour leurs enfants mais parce qu’elle est un symbole de l’identité du pays.

Lionel Buannic : C’est toujours surprenant de voir les jeunes se demander : Mais qu’est-ce qui constitue notre identité, en quoi sommes-nous Irlandais ? Et ils se disent qu’ils aiment l’irlandais alors qu’ils ne le parlent pas, ils ont dû l’apprendre à l’école mais à raison d’une heure ou deux par semaine, un peu comme le latin chez nous. Ils sont donc incapables de parler irlandais mais ils restent attachés à la langue alors qu’elle va peut-être disparaître ?

Stefan Moal : C’est vrai… Il y a bien sûr tous ceux qui apprennent la langue par obligation scolaire quelques heures par semaine, trois ou quatre, je ne me rappelle plus mais au-delà de cet enseignement il y a des écoles entièrement en irlandais qui se développent, lentement certes, mais plus rapidement que nos écoles en langue bretonne. Pour autant, leur proportion n’a rien à voir avec celle du Pays de Galles ou même du Pays Basque. Néanmoins, les écoles en irlandais se développent, y compris dans les quartiers de Dublin qui étaient des quartiers populaires et pauvres, et c’est un phénomène nouveau. Ce sont les Gaelscoileannan, ou écoles entièrement en irlandais. Grâce à elles, un peu comme en Bretagne, on trouve de jeunes locuteurs dans tous les secteurs de la société : le sport, les nouveaux métiers… Cela contribue a donner une image, fausse très certainement, d’une langue présente un peu partout !

Lionel Buannic : Que pensent les élus de la langue irlandaise ? Ils constatent, comme tu le dis, que tout le monde ne parlera pas irlandais en Irlande. Ils disent donc : OK, continuons à soutenir mais arrêtons de rêver et finançons d’autres choses ?

Stefan Moal : Les budgets d’aujourd’hui… Il y avait un temps lorsque l’Irlande n’était pas riche, où l’on disait : il n’y a pas d’argent à gaspiller pour une télé, par exemple. C’est de l’argent et de l’énergie perdue et gaspillée ! Ils ne disent plus cela maintenant. Ou je ne l’entends plus beaucoup, ni ne le lis, que ce soit sur l’Irish Times en ligne ou sur RTÉ (radio télé publique). Au contraire, le Président, entre autres, a fait des films et beaucoup d’autres choses. C’est un président très populaire en Irlande. La quasi-totalité des Irlandais sont fiers de Michael D. Higgins. Il parle irlandais et il le parle dès qu’il le peut, en Irlande mais aussi à l’étranger. Cela a son importance. Chaque Taoiseach, chaque Premier Ministre, si tu préfères a toujours affiché un volontarisme. L’un d’entre eux, autrefois, originaire d’Irlande du nord, ne parlait pas irlandais car il était de Belfast, je crois. Il était allé en stage. Bon, tout cela est politique, c’est pour montrer aux citoyens : regardez, j’apprends la langue ! Il avait été en stage immersif dans le Donegal. Du côté des décideurs on ne peut pas se permettre de se moquer de la langue, ce n’est plus possible.

La situation du gallois au Pays de Galles

Lionel Buannic : Un autre pays, de l’autre côté de la mer celtique le Pays de Galles que tu connais très bien. Une fois encore, les Bretons ont toujours regardé vers le Pays de Galles. Je ne dis pas que c’était un paradis. Mais, par exemple, ils ont créé l’Office de la langue galloise très rapidement, une politique linguistique depuis longtemps, des budgets conséquents, une chaîne de télé en gallois, créée il y a 30 ans environ, tous les outils ont été mis en place pour sauver la langue. Quel est l’état des lieux dans les années 2020 ?

Stefan Moal : Et bien… j’ai regardé les derniers chiffres et ils montrent que le nombre de locuteurs diminue. C’est le cas. Mais en réalité, pas tant que cela. Les tout derniers chiffres montrent une petite hausse et une petite baisse année après année. Bon, on ne mesure plus comme auparavant, depuis le Covid, les enquêtes sont téléphoniques. Peut-être que ce n’est plus aussi précis qu’avant, quand les enquêteurs se rendaient dans les maisons. Mais de manière générale, 30% des Gallois déclarent pouvoir parler gallois. Mais au quotidien, ils ne sont que 15% ou 16% à le parler réellement.

Lionel Buannic : Plutôt dans le nord ?

Stefan Moal : Au nord, bien sûr, dans le Comté de Gwynedd également, mais aussi dans le sud-ouest je crois. Ce sont les trois zones les plus importantes en locuteurs, mais pas en pourcentage. Pour ce qui est du nombre de locuteurs, la capitale Cardiff en compte près de 100.000. Il y a aussi le Comté de Gwynned, qui se trouve dans le nord-ouest et Gaerfyrddin, ou Carmarthenshire qui sont plutôt au sud-ouest. Ce sont les trois zones importantes. Il y en a plus à l’ouest, bien sûr, qu’à l’est. Mais c’est une constante dans tous les pays celtes : la Bretagne, l’Écosse, l’Irlande et le Pays de Galles.

Lionel Buannic : Entre 15% et 16% parlent gallois au quotidien ! Quel est ton regard, finalement, sur ces chiffres ?

Stefan Moal : Ils ne sont pas très élevés si on les compare à n’importe quel autre pays « normal » où tout le monde parle sa langue. C’est même moins que dans le Pays Basque sud ! Mais ces chiffres sont les plus importants des langues celtiques. J’ai oublié de vous préciser tout à l’heure qu’en Irlande, seule 3% à 4% de la population parle irlandais au quotidien ! Pourtant, le nombre de locuteurs déclarés est certainement supérieur à celui du Pays de Galles. Autour de 40%. Mais 4% de locuteurs quotidiens, c’est très peu ! Le Pays de Galles s’en sort donc très bien et la baisse n’est pas aussi rapide qu’en Bretagne, par exemple ! Depuis 30 ou 40 ans. Et surtout… quand une action est menée pour la langue au Pays de Galles, ce n’est pas en « libre service » comme on dit en anglais. Ce n’est pas de la fioriture. Ce n’est pas pour dire qu’ils font quelque chose. Mais ils agissent réellement. Par exemple, Le député ou l’élu qui souhaite s’exprimer en gallois au Sénat, à l’Assemblée du Pays de Galles, le fera et sera traduit. Et cela ne se discute pas. Ce n’est pas…

Lionel Buannic : Parce que la langue a un statut officiel ?

Stefan Moal : La langue est co-officielle au Pays de Galles. Elle n’est pas officielle à Bruxelles cependant. L’irlandais est devenu officiel à Bruxelles après un long combat. Est-ce que cela l’aide en quoi que ce soit… Oui. Très probablement.

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Lionel Buannic : Cela donne du travail aux bons interprètes !

Stefan Moal : Oui, cela donne du travail et les interprètes sont bien payés, c’est sûr ! Y compris pour l’image de la langue, pour le vocabulaire, ce n’est pas du tout une mauvaise idée ! Le gallois n’est pas officiel. Il est pourtant plus utilisé en politique que l’irlandais, certainement.

Lionel Buannic : Même question : qu’a-t-il manqué au Pays de Galles pour atteindre des chiffres un peu supérieurs ?

Stefan Moal : Bon ! Qu’est-ce qui a manqué ? Tout d’abord, comme chacun le sait, le gallois, comme beaucoup d’autres langues a longtemps été la langue des petites gens, des paysans, des pêcheurs, des mineurs… Et ce n’est plus la langue de l’élite depuis longtemps. Tout comme en Bretagne, c’est bien connu, le gallois a été la langue des Églises. Le breton a été en usage dans l’Église catholique mais pas dans ses livres, si ce n’est « Buhez ar Zent » mais l’image de « Buhez ar Zent » n’était pas comparable à celle de la Bible. Donc l’importance de la Bible en gallois a amené de nombreuses personnes vers l’apprentissage de la lecture et cela a permis aux lecteurs d’apprendre une forme de norme d’écriture comprise par tous au-delà des dialectes de chacun. Qu’a-t-il manqué d’autre ? Le Pays de Galles, au sein du Royaume-Uni est celui avec le statut d’autonomie le plus faible. Bien sûr, cela n’a rien de comparable avec le nôtre. Mais il reste tout de même…

Ecosse, pays de Galles, Catalogne, Israël, quelle success storie ?

Lionel Buannic : Ce n’est pas l’Écosse ?

Stefan Moal : Ce n’est pas l’Écosse, non. Je me rappelle les paroles de Lloyd Humphrey, un Gallois habitant le Centre-Bretagne, qui disait : les Irlandais sont des Celtes qui parlent anglais et les Gallois sont des Anglais qui parlent une langue celtique. Une part de l’esprit gallois est protestant, plus proche de Londres que ne l’est l’Écosse où cependant peu de gens parlent une langue celtique et bien sûr, peu de… Ils sont aussi plus proches de Londres que les Irlandais. C’était visible lors du vote pour le Brexit. Au Pays de Galles, il faut malheureusement admettre que la majorité a voté pour le Brexit dans ce pays.

Lionel Buannic : C’est étrange, car l’Irlande a un statut officiel pour l’irlandais, langue inscrite dans sa constitution depuis le début il y a près d’un siècle. Au Pays de Galles, la lutte pour demander un statut officiel obtenu surtout grâce à la Dévolution au moment où ils ont obtenu beaucoup de compétences pour le Pays de Galles il y a 20 ans était encore plus forte pour la langue ! Ils ont monté toutes leurs structures comme s’ils étaient un État… indépendant de l’Angleterre, leur chaîne de télé, leurs radios, une économie assez robuste, un parlement avec des pouvoirs… Malgré tout, ce n’est pas suffisant pour sauver la langue !

Stefan Moal : De toute manière, il n’y a pas beaucoup de success stories ou d’histoires couronnées de succès dans le monde entier. En lisant ce qu’écrivait autrefois Joshua Fishman, sociologue new-yorkais locuteur de yiddish, américain linguiste et polyglotte, il voyait trois pays qui y étaient parvenus. Israël, comme tu l’as mentionné. Mais Israël, que veux-tu… Des juifs venus du monde entier, d’Europe, avec chacun leur langue… C’était une bonne raison d’adopter une seule langue, peu importe laquelle. Ils y seraient aussi parvenus avec le yiddish ! Car il leur fallait une langue commune à tous. La deuxième réussite est au Québec, le français au Québec.

Lionel Buannic : Ce n’est pas simple !

Stefan Moal : Ce n’est pas gagné, absolument pas ! La troisième mentionnée par Joshua Fishman est la Catalogne. Mais là encore, ce n’est pas gagné, comme le disent les Catalans. Donc, au Pays de Galles, nous parlons tout de même d’un pays où la langue n’était plus pratiquée par l’élite depuis très longtemps. Un pays plus proche de Londres que les autres. C’est vrai qu’ils se sont battus. Tu as mentionné la Dévolution mais cela s’est fait sous le Labour, sous les Travaillistes. Mais la télé, ils l’ont gagnée face à un poids lourd : Margareth Thatcher !

Lionel Buannic : Grâce à un député en grève de la faim pour demander une télévision !

Stefan Moal : Aller jusqu’à la grève de la faim… L’Irlande du Nord a aussi connu des grèves de la faim pour d’autres raisons avec d’autres personnes, des prisonniers, mais pas au point de voir un député s’y mettre… Voir un député se mettre en grève de la faim n’est pas une chose banale.

Le changement de population dans les pays celtique

Lionel Buannic : Il y a un autre phénomène observé des deux côtés de la Manche en Bretagne comme au Pays de Galles : c’est le changement de population aussi fort au Pays de Galles qu’en Bretagne avec des arrivées de populations depuis Londres vers le Pays de Galles ou depuis Paris vers chez nous et qui s’installent dans zones précises de Bretagne, surtout le littoral sud. Le Pays de Galles connaît aussi un changement important de population à Cardiff et dans le sud. Quelles sont les mesures du gouvernement pour accueillir cette nouvelle population y diffuser la langue, la défendre, quand la population change aussi vite ?

Stefan Moal : La première chose à mentionner : l’école. L’Irlande considère toujours l’enseignement de la langue comme une obligation. Au Pays de Galles, les choses me semblent s’être assouplies… Comment… La place du gallois à l’école passe plutôt par l’immersion. Ce n’est donc pas une langue apprise pour elle-même mais plutôt dans certaines écoles.

Lionel Buannic : Donc pas toutes les écoles !

Stefan Moal : Certaines écoles, donc ce n’est pas pour tout le monde, bien sûr. Mais c’est une bonne manière de croître puisque ce n’est pas obligatoire, un peu comme au Pays Basque sud. Le gouvernement basque du sud savait bien, après la mort de Franco, qu’il était impossible d’amener soudainement toute une population à apprendre obligatoirement le basque à l’école. Ils ont progressé pas à pas jusqu’au moment où l’élite a inscrit ses enfants dans ces classes. Cela a été la même chose au Pays de Galles. En regardant les chiffres les plus récents sur le gallois, je me suis aperçu que 50%, voire plus, des personnes entre 5 et 15 ans déclarent parler gallois grâce à l’école et certains d’entre eux, certainement, ne sont pas gallois d’origine et parlent pourtant la langue. Un jeune sur deux capable de parler, ce n’est pas rien.

Lionel Buannic : C’est aussi dû aux actions fortes du gouvernement pour promouvoir toute l’année la langue galloise ?

Stefan Moal : Oui. Quand on va au Pays de Galles, on constate que ce n’est pas un bilinguisme d’affichage. Si l’on compare une fois de plus avec l’Irlande, les panneaux en Irlande sont incroyables, l’anglais est écrit en grand avec une police normale et des lettres, disons, carrées, l’irlandais est dessous en plus petit…

Lionel Buannic : Alors que c’est une langue officielle ?

Stefan Moal : Alors que c’est une langue officielle ! C’est exactement le contraire au Pays de Galles. Le gallois se trouve même parfois en premier et il est écrit en grand, dans une autre couleur, mais aussi grand que l’anglais. Parfois, ce n’est même pas traduit en anglais ! C’est symbolique, bien sûr, mais cela va bien au-delà et démontre que l’habitude a été prise il y a bien longtemps. Le gallois est bien là et il y restera. Ce n’est pas un détail, ce n’est pas quelque chose que l’on rajoute mais une langue qui est la nôtre, point barre !

Lionel Buannic : Une langue « vernaculaire » ou la langue-réseau comme pour l’irlandais ?

Stefan Moal : Une langue assurément vernaculaire au nord-ouest et au sud-ouest, à Caerfyrddin par exemple. Et une langue-réseau dans les grandes villes du sud, bien sûr, ainsi que chez les jeunes. Ils ont tout de même de la chance d’avoir mieux que le Gaeltacht, un pays où tu peux te rendre à la poste ou dans n’importe quel magasin et où tu peux parler gallois. Nous n’avons plus cela en Bretagne. En Irlande, c’est pratiquement fini. C’est donc une grande chance pour les apprenants.

Et la Bretagne dans tout cela

Lionel Buannic : Et que nous manque-t-il en Bretagne si on compare au Pays de Galles ?

Stefan Moal : Que nous manque-t-il en Bretagne ? Tout d’abord, nous ne sommes pas… Ce n’est pas tellement une question de statut politique. Bien sûr, cela compterait mais Il n’y a qu’à regarder le budget de la Région Bretagne, Région Bretagne à 4 départements, d’ailleurs… Et euh… Je ne me rappelle plus précisément des chiffres actuels mais le budget de la Région Bretagne est 20 fois inférieur à celui du Pays de Galles. Et à mon avis… Comment dire… Celui de l’Écosse est 70 fois supérieur au budget de la Bretagne. Voilà une première chose… En Bretagne…

Lionel Buannic : C’est simplement une histoire de budget ?

Stefan Moal : Disposer d’un budget, c’est pouvoir faire des choix impossibles à réaliser sans budget Quand une Région est en charge des lycées, du développement économique, et d’un tas d’autres choses, elle ne peut pas dire aux habitants : je vais consacrer un quart du budget à la langue bretonne ! Ce n’est pas possible. C’est donc plus facile… mais je ne dis pas que c’est la réponse à tout ! Mais… Parce que… c’est aussi dans les têtes !

Lionel Buannic : De la volonté ?

Stefan Moal : De la volonté, oui. Mais de ce point de vue, les mentalités changent tout de même en Bretagne. Ce n’est pas aussi éclatant qu’au Pays de Galles où personne ne s’autoriserait à dire que le gallois est inutile, au contraire ! En Bretagne, on l’entend de moins en moins. J’aurai bientôt 60 ans et je vois bien que plus jeune, on me regardait comme un Martien : parler breton à ses enfants, comment ça ! Aujourd’hui, tu peux te promener dans les rues de Douarnenez comme ailleurs, et certains te diront : ah oui… C’est bien ! C’est bien, tu as raison de le faire. j’aimerais bien en être capable aussi avec mes enfants… Mais ces personnes n’iront pas jusqu’à envoyer leurs enfants dans une école bilingue. Mais c’est quand même un sacré changement. Le Pays de Galles a connu cela il y a fort longtemps. Cela fait un paquet de temps ! Si on y réfléchit… Comment… La sitcom quotidienne sur la télé en gallois !

Lionel Buannic : « Pobol y Cwm »

Stefan Moal : Oui, « Pobol y Cwm » Bien avant qu’il n’y ait la télé…

Lionel Buannic : Pour ceux qui ne connaissent pas, c’est un peu comme « Plus belle la vie ».

Stefan Moal : Oui, une sorte de « Plus belle la vie » chaque jour depuis les années 60. Cela peut paraître anecdotique mais à une époque où il n’existait qu’une chaîne ou deux c’était regardé chaque jour par les téléspectateurs. Oui.

L’Irlande du Nord

Lionel Buannic : Un mot sur l’Irlande du Nord, tout de même car il faut mentionner le gaëlique qui y est toujours parlé et appris, peut-être dans un état d’esprit différent du sud ?

Stefan Moal : Oui. En Irlande du Nord, les derniers locuteurs de naissance ont disparu… dans le Comté d’Antrim dans les années 70. Donc ce n’est pas… Il y en avait aussi à proximité… au sud, dans la ville de Derry. Mais très vite, beaucoup plus vite qu’ailleurs en Irlande, l’irlandais s’est perdu en Irlande du Nord, pour des raisons politiques évidentes. Mais il s’est transformé en langue de combat en langue de résistance contre l’anglicisation et…

Lionel Buannic : Une langue d’opposition !

Stefan Moal : Une langue d’opposition totale. Nous savons bien que l’irlandais s’apprenait en prison, parmi les militants de l’IRA pour pouvoir communiquer entre eux. Un quartier de Belfast, West Belfast, The Falls Road, est devenu pratiquement une sorte de petit Gaeltacht car dans ce quartier, l’irlandais est pratiqué plus que dans toute autre zone de l’Irlande du Nord.

Lionel Buannic : C’est intéressant car cela en fait une langue nouvelle, d’une certaine manière, dans ce quartier et dans une contrée où avaient disparu ses derniers locuteurs de naissance. À la manière d’Israël, finalement, qui a adopté une langue nationale ?

Stefan Moal : Une langue nationale uniquement pour les militants nationalistes irlandais car… Il y a quelques protestants et même quelques unionistes qui ont appris la langue pour montrer que c’était une langue comme les autres digne d’intérêt car c’est une vieille langue, une langue riche, une littérature ancienne, etc. Mais ces personnes ne sont pas très nombreuses, je reconnais. La majorité des apprenants… Selon les derniers chiffres que j’ai consultés 11% ou 12% des Irlandais du Nord affirment pouvoir parler irlandais.

Lionel Buannic : C’est plus que les chiffres du sud ?

Stefan Moal : Non ! ; Mais 40% des Irlandais affirment pouvoir parler irlandais. Donc en Irlande du Nord… Bien sûr, si tu réponds au sondage et que tu es nationaliste, tu seras tenté de dire que tu parles la langue du pays ! Ce n’est pas facile à vérifier, peu importe le pays, y compris pour le français. Mais en Irlande du Nord la langue existe car elle est sur un territoire du Royaume-Uni et que le gouvernement de Londres l’a inscrite dans la Charte européenne des langues régionales et minoritaires. C’est donc une forme de statut officiel que nous n’avons pas en Bretagne. Et une officialité importante, au même titre que le gallois et le gaëlique écossais. Le cornique ne bénéficie malheureusement pas d’une telle reconnaissance… Ce qu’il y a… En Irlande du Nord, depuis 1998, depuis l’accord sur la fin de la guerre… ou tout au moins une trêve qui tient bon pour l’instant, les deux principaux partis sont censé gouverner ensemble. Et depuis quelques années, les deux partis principaux sont le Sinn Féin, donc les indépendantistes qui souhaitent une indépendance du Royaume-Uni et les Unionistes qui militent le plus pour rester dans l’union avec Londres. Et ils doivent s’entendre ! Et parmi les fréquents sujets de désaccord on trouve l’irlandais, bien entendu. Donner une plus grande place à l’irlandais est hors de question pour le DUP mais est exigé par le Sinn Féin. Et c’est sans fin. Les manifestations sont régulières pour demander un meilleur statut. Cela avance petit à petit et… quand quelque chose est fait pour l’irlandais, souvent, il faut aussi faire quelque chose pour l’Ulter scots qui est une langue germanique proche de l’anglais.

Lionel Buannic : Un peu comme le gallo chez nous ?

Stefan Moal : Exactement, oui. Elle est moins parlée, n’a pas de transmission familiale contrairement à l’irlandais car l’irlandais est maintenant transmis au sein de certaines familles du nord. Des néo-locuteurs qui ont fait le choix de parler la langue à la maison, un peu comme en bretagne. Comme toi et moi, par exemple… À …

L’Ecosse et l’autonomie politique

Lionel Buannic : C’est étrange de voir qu’en Irlande, un statut officiel, une inscription dans la constitution depuis plus d’un siècle, ne suffisent pas pour la sauver… Elle est toujours vivante mais elle n’est pas encore sauvée. Au Pays de Galles : un volontarisme total un budget conséquent, des structures intéressantes, la langue est vivante mais tout est encore fragile… Allons dans un autre pays où existe réellement un budget très important car la Dévolution est passée par là et il possède surtout des champs de gaz et de pétrole à proximité… L’Écosse, et pourtant, très peu de gens y parlent encore gaëlique…

Stefan Moal : Oui. L’Écosse est différente des autres pays celtes. Plus proche de la Bretagne…

Lionel Buannic : Pourquoi est-elle différente ?

Stefan Moal : Parce qu’elle est celte mais seulement sur une partie de son territoire. Beaucoup d’Écossais… comment… se revendiquent Écossais, différents des Anglais, plus que les Gallois, finalement. Au Pays de Galles, à ce jour, nous sommes loin d’un référendum sur l’indépendance car le « oui » ne passerait pas. En Écosse, comme vous le savez…

Lionel Buannic : Il a eu lieu et ils en redemandent un autre !

Stefan Moal : Ils en redemandent un autre alors que le premier est encore récent ! Les Écossais se considèrent depuis longtemps comme un pays à part entière sans avoir besoin d’une langue celtique fortement présente. Lorsque l’on regarde son passé ancien on voit qu’à la fin du Moyen-Âge… Avant l’an mil déjà le pays était écartelé entre quatre langues. Le picte, au nord… qui disparaissait progressivement au nord-est, alors que le gaëlique gagnait du terrain à l’ouest au nord-ouest et surtout dans les îles. L’anglais, ou plutôt le scots, the Scots language est déjà bien présent au nord-est.

Lionel Buannic : Le scots est une forme… d’anglais un peu mélangé ?

Stefan Moal : Non. Le scots vient d’une autre branche, d’origine germanique parlée sur l’île… la grande île de Bretagne. Voilà l’état des choses à la fin du Moyen-Âge, ou plutôt au haut Moyen-Âge où l’on parlait breton ou britonnique jusqu’à pratiquement Glasgow, quoi ! Le pays était donc déjà écartelé. Un pays à moitié celte mais avec deux langues celtiques différentes. Le picte, troisième langue celtique également. Mais le scots, donc du germain, est parvenu rapidement à s’imposer dans tout le pays. Et le fait culturel gaëlique a été restreint à la zone du nord-ouest. Les Écossais font bien la différence entre Scottish people, Scots et Gaels, les personnes de culture gaëlique.

Lionel Buannic : Pourtant, la musique originaire d’Irlande, par exemple, la musique et le chant sont bien sous influence gaëlique ?

Stefan Moal : Bien sûr ! comment… La culture inclut le kilt et le tartan qui ont été réinventés à partir d’anciens modèles et tout cet imaginaire est tiré de la culture gaëlique. Mais le pays, globalement, ne se sent pas gaël, ni totalement de culture gaëlique.

Lionel Buannic : Ce sont des Écossais ?

Stefan Moal : Ils sont avant tout Écossais. Et tu n’entendras nulle part en Écosse quelqu’un affirmer que l’avenir de la langue gaëlique est de regagner l’intégralité de ce pays. En Écosse, c’est vraiment une langue-réseau, sauf au nord-ouest, dans les îles.

Lionel Buannic : Et pourtant, ils y consacrent un budget incroyable ! Surtout quand on regarde cela depuis la Bretagne, ils ont sauvé le gaëlique !

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Stefan Moal : Oui, le gaëlique s’en sort bien, d’autant plus que les Écossais le mettent en avant… grâce à un prince devenu maintenant Roi d’Écosse, et voilà… Je ne sais pas. Il y a sûrement une question de statut ou plutôt une question d’image, de meilleure image, d’image…

Lionel Buannic : De prestige ?

Stefan Moal : Une image prestigieuse, une image de guerriers… Des gens provenant des lointaines brumes, contrairement aux Gallois. Je dis cela pour la Grande-Bretagne. En Grande-Bretagne, un guerrier gaël, un combattant fier, digne, issu des Highlands ou des montagnes existe dans l’imaginaire, comme une sorte d’image d’Épinal.

Lionel Buannic : De l’ordre de la légende ?

Stefan Moal : Véritablement une légende. Mais ce qui est réel est la vitalité de la culture gaëlique dans ces contrées. Mais c’est tout petit ! De l’ordre de 1% à 2% de la population écossaise…

Lionel Buannic : 60.000 personnes environ ?

Stefan Moal : Oui, environ 60.000 personnes, pas plus. L’équivalent d’une ville comme Quimper ou Vannes !

Lionel Buannic : Il est surprenant de voir que cette langue est pratiquement coupée en deux : la moitié des locuteurs se situe sur les îles ou sur le continent à l’ouest, et l’autre moitié dans les grandes villes, surtout à Glasgow, la langue est vraiment coupée en deux !

Stefan Moal : Oui. De plus, l’Écosse est tellement grande, ou plutôt tellement étendue que cette coupure existe déjà sur le continent entre les habitants de deux zones… Comment dire… Il y a… Les grandes villes sont au centre, au sud mais une bonne partie des Lowlands se trouve entre les deux grandes agglomérations et l’Angleterre où habitent la majorité des Écossais, peut-être les trois quarts de la population. Et la hausse du nombre de gaëlisant provient de ces deux villes, ce qui est assez logique. Au nord-ouest, il n’y a plus grand monde dans les îles le gaëlique y est donc bien vivant mais son développement existe surtout dans les grandes villes.

Lionel Buannic : Comment se projeter sur l’avenir de la langue face à tant de cassures et une croissance, comme tu le dis, dans les grandes villes avec une langue éparpillée dans la population ?

Stefan Moal : Oui, et même beaucoup plus éparpillée que chez nous car 2% de la population seulement peut-être 1% au nord-ouest et encore, 1%… Bien entendu, n’importe quel gaëlisant à Glasgow, Edimbourg ou Dunedin se trouve, doit vivre au sein d’un réseau de locuteurs. Il y a l’école pour les enfants, les clubs, les médias, les amis qui se retrouvent pour parler ensemble, et un voyage aux îles de temps en temps car beaucoup de choses restent présentes dans les îles ou au nord-ouest du pays, BBC Alba est installée là-bas de même que des stations de radios la langue tient bon au nord-ouest de la même manière que l’on protège le Gàidhealtachd en Irlande, à l’ouest du pays ce qui permet de donner des emplois bien payés et intéressants aux locuteurs.

Lionel Buannic : Mais quel avenir pour cette langue, à ton avis ? Une langue-réseau, comme tu dis ?

Stefan Moal : Elle est déjà une langue-réseau aujourd’hui, donc elle le restera… Si elle se maintient, ce ne sera déjà pas si mal… Car le nombre de locuteurs baisse recensement après recensement. Le même constat que je dressais pour l’irlandais se retrouve dans le gaëlique des grandes villes. Le gaëlique de l’école s’est anglicisé d’un point de vue phonologie, la syntaxe… Exactement le même constat, aggravé par le fait qu’il n’y a pas d’hinterland comme en Irlande ! En Irlande, pour quelqu’un qui veut se mettre subitement à l’irlandais il existe un socle, une assise sur laquelle s’appuyer. Alors qu’en Écosse, on apprend le gaëlique par l’école ou par un passage sur les îles, c’est tout ! Et là, bien sûr, il n’y a pas… pas de terreau… de population sur laquelle s’appuyer si ce n’est les 1% ou 2% qui parlent gaëlique.

Lionel Buannic : Mais les élus respectent-ils le gaëlique ?

Stefan Moal : Oui, oui. Il y a beaucoup de respect pour le gaëlique. Mais… Le scots, comme je l’ai déjà dit, est… Comme tu l’as dit aussi, le scots peut être pur, mettons, avec une syntaxe scots un vocabulaire scots, etc. et comme il est assez proche de l’anglais il y a beaucoup de nuances entre ces deux langues, jusqu’à l’anglais d’Écosse. Et il n’est pas toujours facile de les différencier. Mais le scots compte beaucoup plus de locuteurs que le gaëlique ! Cela se voit recensement après recensement, et pourtant le gouvernement consacre un budget beaucoup plus important au gaëlique qu’au scots.

Lionel Buannic : Oui, ils produisent des films de cinéma, des émissions, du sport en gaëlique, etc. Ce qui assez compliqué à comprendre vu d’ici !

Stefan Moal : Oui, comme au Pays Basque où les télés s’appuient beaucoup pour attirer de l’audience sur des sujets qui n’ont rien à voir avec la langue comme le sport, par exemple. Au Pays Basque sud, on propose du nautisme, de la pelote basque, entre autres, en langue basque pour attirer les non-locuteurs. L’Écosse agit de même eh bien… avec le football. À travers le football féminin, par exemple, ou le foot masculin également, mais d’après ce que j’ai vu le foot féminin est diffusé dans son intégralité et il y a aussi la musique qui attire tout le monde. Par ailleurs, BBC Alba a été créée à une époque où était déjà passée la révolution Internet, donc elle n’a pas été créée il y a longtemps comme S4C au Pays de Galles… TG4 en Irlande. Ils ont tout de suite proposé une plateforme diversifiée. Avec de la radio, la télé, Internet, des cours de langue… Un média global dès le commencement. Ce qui est beaucoup plus compliqué pour S4C qui est une grosse machine avec un gros budget et il est triste de voir ce budget baisser parce que les gens vont sur Internet… Et ils ne regardent plus la télé en direct mais…

Lionel Buannic : S4C a même dû changer de nom sur Internet car… les jeunes trouvaient son image vieillotte !

Stefan Moal : Trop vieille, certainement.

Quelles leçons à tirer pour la Bretagne ?

Lionel Buannic : Lorsque tu regardes la situations des langues dans les pays celtes autour de nous, que pouvons-nous en tirer finalement… en terme d’outils, par exemple ? Y a-t-il des leçons à en tirer pour la langue bretonne ?

Stefan Moal : Il ne faut pas négliger le statut officiel pour la langue… J’ai dit, tout à l’heure, qu’un statut officiel ne sauvait pas une langue que ce soit en Corse ou ailleurs. Il ne faut pas se faire d’illusions.

Lionel Buannic : Mais peut-on sauver une langue sans un statut officiel ?

Stefan Moal : Elle ne peut pas être sauvée sans un statut officiel. Car dans la tête des gens, dans l’esprit des habitants quoi qu’on en dise un statut officiel marque les esprits, oh oui ! Un statut de co-officialité, cela compte ! C’est tout de même quelque chose. Ensuite… La volonté… En Bretagne, on n’entend plus que le breton n’a pas de valeur, ne sert à rien et pourquoi l’apprendre… On n’entend plus cela. Mais nous savons bien que le danger est que le nombre d’écoles en breton est trop faible, trop petit et ce n’est pas avec 2% ou 3% de croissance chaque année, et encore, uniquement dans les écoles publiques ! Diwan ne progresse plus, les écoles privées catholiques non plus ! Et encore, si leurs effectifs ne baissent pas… Nous n’y arriverons pas comme ça… Et nous risquons de nous retrouver comme en Écosse, je le crains. Tant que baissera la population, le nombre de brittophones en Basse-Bretagne, nous risquerons de nous retrouver avec Rennes et Nantes comme Édimbourg et Glasgow où se trouveront beaucoup de jeunes bretonnants avec de nouveaux métiers, des familles, des écoles, etc. et finalement, nous pourrions nous retrouver d’ici une vingtaine d’années dans la même situation que le gaëlique aujourd’hui ! Presque 50/50. Comment dire… La moitié en Basse-Bretagne et l’autre moitié à l’est. Ce qui serait triste, mais comment faire ?

Lionel Buannic : Que faire, alors ?

Stefan Moal : Mais oui, comment… Que…

Lionel Buannic : Que faire, alors ?

Stefan Moal : Ah, que faire dans ce cas ? Je ne sais pas… Bien sûr… Faire en sorte que se développent les écoles et les effectifs dans les écoles, évidemment ! Obtenir un statut officiel en Bretagne mais la Région n’en a pas la possibilité. Dès qu’ils officialiseront un statut, comme cela a été fait en Corse il sera cassé par le Conseil Constitutionnel ! Donc, je ne sais pas… Ce qui est constant et incite les gens à apprendre le breton, à mon avis, c’est la création. La création au sens large. Chant, musique, télévision, films, théâtre… Le théâtre n’est pas en grande forme en ce moment, malheureusement ! Mais tout cette créativité… autrement, à quoi bon ? Hein… les gens… Oui, mais que vais-je gagner à apprendre cette langue ? La création en langue bretonne faire partie des aspects importants qui attirent et qui font que la langue est « in » elle est au goût du jour.

Lionel Buannic : Tu penses que la langue bretonne est ou sera Une langue-réseau, comme tu dis ?

Stefan Moal : Elle est déjà une langue-réseau. Pas dans les bourgs de Basse-Bretagne, bien sûr, et encore, ça l’est en partie. Les anciens qui parlent breton dans un petit bourg du Centre-Bretagne, par exemple, savent avec qui ils peuvent parler ou pas ! Ils ont déjà leur réseau dans les cafés, les club du 3ème âge, les boulodromes, etc. Nous ne sommes déjà plus dans le cadre d’une communauté totalement locutrice. Et cela viendra… Et d’une certaine façon, autrefois… Autrefois, moi aussi, j’avais déjà mon réseau. Mais mon réseau, j’en voyais ses membres de temps en temps. Je devais prendre ma voiture pour les voir ou le train, par exemple, pour aller les retrouver. Sur Facebook, il n’y en a pas besoin ! Je ne suis pas sur Facebook, mais avec d’autres moyens je peux les rejoindre quand je veux. Je peux avoir des nouvelles d’eux… On peut se retrouver dans un lieu physique et fixer ce lieu après des échanges en ligne. De plus, à Douarnenez, où j’habite, je vois bien que de nouveaux réseaux apparaissent.

Lionel Buannic : De quelle manière, par exemple ?

Stefan Moal : Lorsque je me suis installé dans le coin, dans cette ville, seuls les jeunes enfants parlaient breton ainsi que les instituteurs et les anciens du bord de mer. Des marins à la retraite qui parlaient breton entre eux tous les jours. Et j’allais discuter avec eux de temps en temps mais je n’étais pas de leur monde, de leur métier c’était plus pour le plaisir de la langue et j’étais bien reçu… Nolwenn Korbell te raconterais la même chose. Aujourd’hui, ceux qui étaient les jeunes enfants il y a 30 ans sont devenus des adultes qui ont des enfants à leur tour, et qui leur parlent breton, pour beaucoup d’entre eux, et il n’y a pas un seul jour où je vais en ville faire des courses, prendre un pot, ou regarder les bateaux sur la mer, il n’y a pas un jour sans que j’en croise un. Et je peux donc discuter deux minutes voire plus longtemps avec l’un ou l’autre et c’est un vrai bonheur. C’est agréable de savoir qu’il existe cette communauté de plusieurs centaines de personnes. Douarnenez est une petite ville de 14.000 habitants et tu sais que tu peux tomber sur l’un d’entre eux et avoir le plaisir de parler breton.

Lionel Buannic : Une langue-réseau dans un monde de réseaux ?

Stefan Moal : Oui, voilà. Cela ne concerne pas que nous…

Lionel Buannic : Beaucoup de gens sont dans des réseaux, comme tu dis et ils sont tous les jours sur des réseaux et ils passent des heures et des heures sur ces réseaux sociaux !

La mort numérique des langues minoritaires

Stefan Moal : On ne peut pas non plus être béat et se dire : nous sommes sauvés ! Pas plus qu’un statut officiel, Internet ne sauvera les langues minoritaires. Car il y a quand même de grands dangers les linguistes parlent maintenant en anglais de « digital health » c’est-à-dire une mort numérique. Qu’est-ce qu’une mort numérique ? Pour les langues tombées du mauvais côté où il n’y a pas d’outils pour elles pour leur faciliter la vie au quotidien comme dicter un sms à son téléphone et il écrit ce que tu lui dis. Tout ce qui relève… Ce que l’on appelle… Intelligence Artificielle, de nos jours. Il est grand temps que le breton et les autres langues accélèrent à ce sujet que l’on veuille ou non sinon, nous arriverons à un point où nous ne pourrons plus le faire le Digital Sanctum c’est presque religieux d’atteindre les cieux de l’Intelligence Artificielle et autres. C’est aussi important qu’un statut officiel.

Lionel Buannic : C’est indispensable pour sauver la langue ainsi qu’une place, pas uniquement sur les réseaux sociaux mais sur tous les outils numériques, sinon c’est la mort numérique de la langue.

Stefan Moal : Je dirais même que c’est plus important. Le statut peut attendre que… que change l’esprit des Français pour peut-être laisser les minorités en France avoir un peu de liberté. Cependant, c’est à nous de construire ces outils ! Pas aux autres. C’est avec nos propres forces que nous devons les faire. Mais je vois que les choses avancent, il y a un tas de jeunes ici et là qui travaillent sur… Ce n’est pas vraiment mon domaine, je ne suis pas un spécialiste mais je les vois coder, s’intéresser à ces technologies et tant mieux !

L’amitié celtique

Lionel Buannic : Stefan, nous approchons de la fin de ce Pennad kaoz. Nous venons de voyager dans les pays celtes qui nous entourent et je rappelle que tu es Breton et aussi de nationalité irlandaise. Ceci dit, pendant longtemps, depuis la fin du XIXème siècle, le début du XXème, l’Emsav (mouvement breton) a souvent rêvé d’un monde celtique, des pays proches les uns des autres, il y a peut-être eu des échanges, divers festivals. C’est vrai que la musique et le chant créent du lien entre ces pays, mais il y a aussi de la méfiance car nous sommes loin les uns des autres. Quel est ton regard, après les avoir parcourus, t’être rendu régulièrement en Irlande, avoir participé à des colloques un peu partout, penses-tu que nous nous créons des illusions depuis la Bretagne ?

Stefan Moal : Je ne crois pas que nous nous bercions d’illusions car nous voyons bien ce que ces pays ont obtenu ou pas. Mais je pense…

Lionel Buannic : D’un point de vue « celticité » si je peux utiliser ce terme ou plutôt « celtitude » !

Stefan Moal : Oui, l’amitié demeure, je trouve. Les pays celtes sont toujours présents dans de nombreux festivals, comme à Lorient, bien sûr, ou à Glasgow pour la musique. Et même dans d’autres domaines : j’ai été jury au Celtic Media Festival plusieurs années de rang et je vois bien que je suis reçu, y compris en distanciel pendant le Covid, comme un membre de la famille, d’une certaine manière ! Nous ne parlons pas anglais aussi bien qu’eux, nos chaînes de télévisions sont un peu plus pauvres, nous ne produisons pas autant, etc. mais nous sommes les bienvenus. Une chose, je trouve, a vraiment changé… Comment dire… Les jumelages qu’il y avait autrefois, je le constate surtout avec l’Irlande, ne sont plus aussi puissants et vivants qu’autrefois. Les Irlandais sont ouverts sur le monde entier et ils sont maintenant riches donc ils peuvent aller où ils veulent dans le monde. Je ne sais pas si c’est une bonne chose pour le CO2, mais c’est une autre question donc ils ne viennent plus en Bretagne autant qu’avant. Il y avait autrefois des musiciens irlandais « Chez Micheline », près d’ici sur la côte… Ils arrivaient à n’importe quel moment pour faire une session irlandaise et ils partaient ensuite ailleurs… Aujourd’hui, ce n’est plus aussi naturel. Tout est organisé, et très bien organisé comme le Festival Interceltique de Lorient qui est devenu si grand et reçoit des artistes célèbres. Il y aura un grand colloque sur la celtitude en août prochain (2023) nous faisons encore partie de la famille mais la famille est bien petite dans un monde si grand, si… Les échanges de tout type se multiplient et peut-être que les échanges interceltiques diminuent.

Lionel Buannic : Et toi, personnellement, comment te sens-tu dans cette famille ?

Stefan Moal : Moi, premièrement, j’adore l’Irlande, il me reste encore à apprendre l’irlandais quand je serai en retraite, c’est sûr et certain car j’ai tenté de le faire à plusieurs reprises mais ce n’est pas facile ! J’adore encore… comment te dire… Un état d’esprit… Hi hi hi, ha ha ha… Nous prenons le temps de discuter, d’écouter les autres… Comment ça va aujourd’hui ? Quelles nouvelles ? Et euh… Il me semble que cela est encore présent et… Je ne suis pas allé en Écosse depuis plusieurs années encore moins au Pays de Galles mais j’ai toujours autant de plaisir en Irlande ! J’avais peur que l’esprit irlandais se perde à cause de l’argent. et qu’ils deviennent, je ne sais pas… le 51ème État des États-Unis, mettons. Car tous les GAFA sont présent là-bas et je croyais que l’état d’esprit changerait, mais ce n’est pas le cas. Je vais souvent en Irlande et quand tu rentres dans un bar avec un verre de Guiness ou Murphy’s ou Beamish à la main, tu peux prendre le temps de parler avec tout le monde et les gens viennent aussi te parler de tout et de rien… Comment que ça va aujourd’hui ? Ça, ça n’a pas changé.

La vidéo de Stefan Moal (sous-titrée en français)

D’autres « Pennad Kaoz » sous-titrés en français

Un certain nombre des émissions Pennad Kaoz ont été sous-titrés en français, vous pouvez ainsi retrouver le célèbre artiste breton Denez Prigent, la chercheuse du CNRS Marie Kerjean, l’ancienne vice-présidente de la Région Bretagne Lena Louarn, le médecin humanitaire Jean Branellec, Iwan Guegan spécialiste du Zazen et du Bouddhisme, la porte parole d’Eau et Rivières de Bretagne Pauline Kerscaven, ou encore Guillaume Roue producteur de proc à la tête de l’INAPORC.

Et au format Podcast

L’émission « Pennad Kaoz » est également accessible au format Podcast, l’image n’étant pas indispensable à la compréhension si vous parlez breton (ou si vous apprenez le breton). Vous pourrez retrouver plus d’une vingtaine d’entretien d’1h environ chacun en breton, sur différents sujets : économie, sciences, politique, recherche universitaire, histoire, géopolitique et pays étranger… À écouter sur toutes les plateformes imaginables : Spotify, Deezer, Youtube, Apple Podcast ou encore Audio Blog (pour vous abonner via un flux RSS)

1 réflexion au sujet de « Quel avenir pour le breton et les langues celtiques ? (Stefan Moal) »

  1. Cet entretien est réellement plaisant à lire, ne serait-ce que par la pertinence des propos. Cette notion de réseaux correspond, en effet, à la pratique la plus courante de la langue bretonne par les générations correspondant aux parents actuels d’enfants scolarisés dans les systèmes à parité et immersifs ainsi qu’aux pratiquants passionnés ou militants. Ces réseaux sont une liste de diffusion par e-mail ici, l’école des enfants là-bas ou bien tel atelier de conversation.
    Cette pratique a cependant du mal à se maintenir dans une connexion avec le monde qui vit, communique, chante sur les ondes ou crée, que ce soit en français ou dans une autre des langues dominantes. La vie en breton se limite, dans ce modèle, à des créneaux dans un emploi du temps.
    Par ailleurs, les passions peuvent changer et les réseaux s’essouffler. Trouver en permanence une motivation, surtout quand le lien avec les dernières générations de locuteurs natifs devient de plus en plus ténu, est une gageure. Lorsque, également, on n’est plus tout a fait du même monde que ces locuteurs (comme l’évoque Stefan Moal), il est bien difficile d’y trouver un substitutif au lien affectif qu’on avait avec ses aïeux disparus.
    Celui qui écrit ce commentaire devient ainsi pessimiste, bien qu’il ait appris le breton. À titre personnel, il vit sa pratique comme éternellement insatisfaisante et surtout concurrencée par le temps consacré à des lectures exigeantes en français ou en anglais ainsi que par sa vie professionnelle, tout cela dans une ville de Haute-Bretagne.

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