Tous les chiffres de l’enquête sur la langue bretonne de 2024

La Région Bretagne et l’institut de sondage TMO viennent de publier ce lundi 20 janvier 2025 les résultats de l’enquête menée fin 2024 pour connaître les usages et la transmission de la langue bretonne, mais aussi du gallo (langue romane parlée en Bretagne).

Il ne resterait donc plus que 107 000 locuteurs du breton et 132 000 pour le gallo. L’enquête a été réalisée par téléphone, auprès d’un échantillon de 8 336 personnes âgées de 15 ans et plus habitant la Bretagne historique : Côtes-d’Armor, Finistère, Ille-et-Vilaine, Morbihan et Loire-Atlantique. À noter que seuls 65% des répondants sont originaires de l’un des 5 départements bretons.

Voici tous les chiffres détaillés de l’enquête :

Moins de 110 000 locuteurs du breton

Carte de Bretagne avec la répartition des locuteurs du breton.
Taux de locuteurs du breton selon le pays (TMO / Région Bretagne – 2024)

C’est une surprise qui n’en est pas vraiment une dans le petit monde de la langue bretonne, il ne resterait plus que 107 000 locuteurs du breton en 2025. L’institut TMO a calculé cette estimation moyenne sur la base d’une fourchette entre 93 000 locuteurs minimum et 120 500 maximum.

Les locuteurs représentent en moyenne 2,7% des Bretons sur la Bretagne Historique, avec des inégalités selon les territoires. Le pays de Morlaix caracole en tête avec 11% de la population qui parle breton, suivi du Trégor (10%), du centre Ouste Bretagne (9%), du pays de Guingamp (8%) et du pays de Cornouaille (6%).

Un rajeunissement des locuteurs

Pyramide des âges des locuteurs du breton comparée entre 2018 et 2024.
Pyramide des âges des locuteurs du breton comparée entre 2018 et 2024 (TMO / Région Bretagne – 2024)

C’est probablement la plus grosse évolution de cette enquête depuis les chiffres de 2018. Le décès des personnes âgées a modifié la pyramide des âges des locuteurs, et les moins de 39 ans représentent en 2024 19% des locuteurs alors qu’ils ne représentaient que 5% en 2018.

À l’inverse, les plus de 70 ans passent de 57% en 2018 à 37% seulement en 2024.

La moyenne d’âge des brittophones seraient donc en 2024 de 58,5 ans, contre 70 ans en 2018 !

Des usages qui augmentent mécaniquement

Graphique représentant l'usage du breton par les locuteurs pratiquant la langue, enquête de 2024.
Usage du breton par les locuteurs pratiquant la langue (TMO / Région Bretagne – 2024).

C’est la fausse bonne nouvelle de l’enquête, les locuteurs du breton utilisent bien plus la langue sur internet, sur les réseaux sociaux, ou encore sur des sites internet.

L’institut TMO indique une augmentation de 20 points depuis 2018 pour la communication sur internet et des réseaux, passant de 10% à 30%, ainsi qu’une augmentation de 15 points de la consultation de sites internet en breton, passant de 13% à 28%.

Des augmentations de pourcentages qui s’expliquent mécaniquement par la disparition des locuteurs âgés, le pourcentage des jeunes locuteurs augmente dans l’échantillon et les usages « jeunes » augmentent mécaniquement.

Un regard sur la fréquence d’usage du breton (page 26 des résultats de l’enquête) permet de confirmer cette analyse, puisque depuis 2018, TMO ne note aucune différence significative dans l’usage quotidien ou hebdomadaire du breton, à savoir 44% des locuteurs du breton qui utiliseraient la langue au moins une fois par semaine.

Des chiffres qui sèment le doute…

Si l’estimation de 107 000 locuteurs ne semble étonner personne dans les milieux de la langue bretonne, la pertinence réelle des chiffres de l’enquête pose question. Beaucoup de brittophones partagent leurs doutes sur les réseaux sociaux suite à l’annonce des résultats. Sur Facebook, Discord, X, les échanges en breton et en français vont bon train et chacun y va de son analyse.

La méthodologie

Répartition des locuteurs du breton par tranche d'âge, enquête de 2018.
Répartition des locuteurs du breton par tranche d’âge en 2018 (TMO / Région Bretagne)

Pour plusieurs personnes, c’est la méthodologie globale de l’enquête qui est remise en question. En moins de 6 ans la langue bretonne aurait perdu 107 000 locuteurs, soit une diminution de 50%.

Cette chute drastique du nombre de locuteurs ne peut pas s’expliquer uniquement par les décès de personnes âgées, même avec les années COVID. En se référant à l’enquête de 2018, il aurait fallu que quasiment tous les locuteurs de plus de 70 ans décèdent en l’espace de 6 ans.

« TMO a expliqué que l’étude de 2018 avait probablement été surestimée pour justifier l’écart entre 2018 et 2024, sauf qu’ils ont utilisé la même méthodologie en 2024, donc s’ils ont fait des erreurs en 2018, pourquoi pas en 2024 ? »
(témoignage en breton posté sur Facebook)

L’échantillon trop faible

Pour d’autres, c’est l’échantillon de personnes interrogées qui est trop faible. Avec 8336 personnes interrogées, seules 307 personnes ont déclaré parler breton (page 24 des résultats de l’enquête). Tous les chiffres de l’enquête sont donc basés sur un nombre minime de brittophones (pyramide des âges, catégories socio-professionnelles) et c’est même encore pire pour les chiffres concernant les dynamiques d’usage du breton, puisqu’ils sont basés uniquement sur la base des 237 locuteurs ayant répondu pratiquer le breton.

« Ils ont posé la question à qui ? Pas à moi en tout cas. Quand on voit à quel point ils se plantent concernant les élections politiques…. »
(commentaire en français sur LinkedIn)
Il est d’ailleurs à noter que 307 locuteurs sur 8336 répondants, ça ne fait pas 2,7% mais plutôt 3,7%, l’enquête de TMO a en effet était « redressée », comme l’indique l’institut.

« Pour assurer la représentativité de l’échantillon, les résultats d’enquête ont été redressés selon les 4 variables de quotas – genre, âge, PCS et type de territoire – et le niveau de diplôme calculés pour les 26 pays bretons, et le poids démographique de ces pays. »
(résultat de l’enquête TMO / Région – 2024, page 4)

Au final, il est légitime de se poser la question, quel crédit accorder à un institut qui annonçait le double de locuteurs il y a 6 ans ? Et quel crédit accorder à des analyses d’usage de la langue basée sur seulement 237 personnes ?

Quelle stratégie pour l’avenir ?

Du côté de la Région, la stratégie en place va perdurer. Dans son interview en breton, le conseiller régional et député Paul Molac insiste sur la formation de nouveaux locuteurs par l’école, une stratégie qui ne fait pas l’unanimité.

« À quoi ça sert d’enseigner le breton à des milliers d’élèves s’ils ne peuvent rien en faire après leurs études ? Il faut pouvoir travailler en breton, vivre en breton, à mettre tout l’argent sur la formation uniquement on va droit dans le mur. »
(commentaire en breton sur Facebook)

Le Gallo en plein paradoxe

Du côté du gallo, une langue romane parlée en Haute-Bretagne, nous sommes en plein paradoxe. Si la diminution du nombre de locuteurs semble moins importante qu’en breton (132 000 en 2025 contre 191 000 en 2018), 51% des personnes interrogées ne connaissent pas cette langue. Un chiffre en augmentation par rapport à 2018 puisque seuls 40% des sondés ne savaient pas ce qu’était le gallo lors de la précédente enquête. Une régression de la notoriété du gallo qui étonne vu les efforts déployés par la Région pour promouvoir le gallo.

Pour les 49% restants, qui connaissent donc le gallo, la notoriété du gallo n’est pas vraiment meilleure puisque la majorité préfère utiliser le terme de « patois » au lieu du terme « gallo », certains parlant même de « vieux parler » ou de « paysan » quand ils ne confondent tout simplement pas avec le « gallois », la langue du Pays de Galles cousine du breton.

Enfin, comme pour le breton, le « redressement » des chiffres par TMO pose de sérieuses questions. Avec seulement 295 locuteurs du gallo ayant répondu à l’enquête, contre 305 locuteurs du breton, comment arrive-t-on à 132 000 locuteurs du gallo alors qu’il y en aurait seulement 107 000 pour le breton ?

Télécharger les résultats en PDF

Les résultats complets sous forme de PDF avec la synthèse d’analyse de l’institut ont été publiés sur le site de la Web-TV en breton Brezhoweb, ils sont à y retrouver sur la page dédiée.

Et pour conclure, laissons le mot de la fin à un dernier commentaire sur Facebook, qui préfère voir l’aspect positif de cette annonce.

« Je trouve extraordinaire qu’il reste autant de locuteurs du breton après des siècles de lutte acharnée contre notre langue. Pour moi cela relève du miracle ! »
(commentaire en breton posté sur Facebook)

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